Axe 6 - Études de renseignement
Agathe Couderc, Maîtresse de conférences en Renseignement au Conservatoire national des arts et métiers. Agrégée d’Histoire et Docteure en Histoire contemporaine des relations internationales et de l’Europe.
Chercheurs associés: Gérald Arboit, Lukas Grawe, Olivier Lahaie, Markus Pöhlmann, Christian Rossé, Gérald Sawicki
Experts associés : Tewfik Hamel, Nigel Inkster.
Doctorants ESDR3C: Florian Bunoust-Becques, Aurélien Hassin, Cédric Neveu
Conformément aux injonctions des Livres blancs de la Défense depuis 2008, rappelées par le Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), Pierre Bousquet de Florian, en juin 2018, cet axe a pour objectif d’étudier le renseignement, aux marges des mondes professionnels et académiques, et ambitionne de contribuer au développement d’une culture stratégique du renseignement en Europe. Ce type d’études est consubstantiel de l’existence de services de renseignement dans de nombreuses démocraties occidentales. L’objectif du programme de recherche « Études du renseignement » du Conservatoire national des arts et métiers est de participer à ces débats aux niveaux national et européen, tout en se rattachant au modèle britannique. Outre des enseignements dédiés, il conduira une recherche autour de trois projets, intitulés « Gouvernance du renseignement », « L’internationalisation des méthodes de renseignement » et « acteurs non-étatiques et renseignement depuis le XIXe siècle », de façon pluridisciplinaire et en liaison avec les sciences de gestion et politique, les relations internationales et l’histoire contemporaine présentes au sein de l’Équipe. La gouvernance du renseignement suppose une bonne compréhension du fonctionnement des services de renseignement.
Il ne s’agit pas de la « totémiser », en la conceptualisant faussement autour d’une « gouvernance supérieure », comme s’il pouvait en être autrement, ou d’en faire le ressort d’un « État secret ». Au contraire, la gouvernance concourt autant à l’orientation des services de renseignement qu’à leur contrôle. Ces missions incombent évidemment aux pouvoirs exécutif et législatif, mais participent également des enjeux des études de renseignement. Une approche pluridisciplinaire pourra questionner l’évolution des services dans leurs aspects organisationnels aussi bien que publics : Comment évaluer les réformes du renseignement ? Qu’est-ce qu’une communauté du renseignement ? Comment contrôler efficacement le renseignement dans un système démocratique ? La pratique du renseignement a supposé que l’on renoue avec les techniques héritées du renseignement diplomatique avaient été empruntés aux militaires. Il s’ensuit trois conséquences toujours actives de nos jours, qui ont contribué à la prise en charge par des services de renseignement, constitués à cet effet : la fin de l’apolitisme de ces diplomates militaires, le détachement de la seule statistique militaire et la généralisation de l’« action invisible ». Il en découle naturellement trois interrogations : Peut-on parler de standardisation du renseignement ? Peut-on définir une typologie et des aires culturelles dans la formation et la collaboration de services ? Le renseignement résulte-t-il d’une pratique clandestine en réseaux ou simplement du maniement du secret ? Comment déconstruire le renseignement d’un point de vue de l’histoire culturelle afin de faire apparaître sa réalité humaine ?
Depuis les plus anciennes traces d’activités de renseignement que l’on puisse révéler grâce aux sources les plus diverses (archéologie, épigraphie, archives) jusqu’à nos jours, des acteurs non-étatiques ont toujours été impliqués aux manifestations de l’action invisible. Leur probité n’est pas toujours des plus vérifiables, particulièrement avant l’existence des services de renseignement. Aussi il n’est pas rare que des agents de désinformation réussissent à s’infiltrer dans les dispositifs. Certains ne sont animés que par la recherche d’un lucre facile. Il s’agit des escrocs au renseignement, que l’on ne rencontre réellement qu’en période de conflit et qui désirent profiter des largesses de leurs officiers traitants. Il s’agit également d’une limite à la théorisation classique du renseignement d’origine humaine.
D’autres établissent de véritables services de renseignement privés, qui ne s’occupent pas d’économie mais de « grande politique ». Véritables acteurs non-étatiques nationaux, ils n’émargent auprès d’aucun service officiel, ni même d’aucun État, mais assurent une veille stratégique qui les leur rendent indispensables. De telles organisations sont différentes de celles que certaines entreprises transnationales établissent au cœur de leurs organisations centrales, en liaison ou non avec leurs services de recherche-développement. Parmi les acteurs non-étatiques se trouvent encore des patriotes privés de pays qui viennent chercher l’appui d’une grande puissance pour faire triompher leur rêve national ou se dresser contre d’autres services de renseignement, armés ou non par des adversaires. Nous nous sommes intéressés particulièrement à l’internationalisation des méthodes de renseignement, leur standardisation, et à définir une typologie et des aires culturelles dans la formation et la collaboration de services. Ce programme de recherche entend également nouer des relations avec la communauté académique du renseignement d’Europe, Grande-Bretagne incluse, en se dotant d’une revue, La Revue de recherche sur le renseignement (RRR). De parution semestrielle, en langue française, online et dotée d’un Digital Object Identifier, son premier numéro est lancé au premier semestre 2022 autour d’un dossier sur “les femmes et le renseignement ».
Questions de recherche associées
Le rôle stabilisateur du renseignement dans les relations internationales
Les échecs historiques du renseignement et leurs variables explicatives
Le genre dans les études du renseignement (numéro spécial de la RRR Vol. 1)
La privatisation du renseignement et son influence sur les conflits inter-étatiques