Projet de recherche n°3: Innovations opérationnelles et stratégiques majeures au sein des groupes armés djihadistes : mécanismes et figures clés

Contexte

Le djihad et les mouvements djihadistes ont considérablement évolué au cours de l'histoire, et en particulier au cours des 40 dernières années. Poussés par un soutien financier et organisationnel externe, les mouvements djihadistes se sont considérablement structurés depuis Maktab al Khadamat, l'ancêtre d'Al-Qaïda, dans les montagnes pakistanaises.[1] L’expérience acquise puis transmise par le djihad en Afghanistan, en Bosnie, en Algérie ou, plus récemment, au Yémen, en Irak ou au Sahel, a permis de développer des réseaux de financement et des passerelles entre les groupes, ainsi que des techniques de recrutement et de guérison, et a également transformé les structures stratégies et modes opératoires, notamment à travers la mise au point de nouvelles armes et techniques de combat. Ainsi, les expériences de l’Afghanistan, de l’Iraq et de la Syrie, pour ne citer que quelques exemples, illustrent la contribution essentielle de cet appui extérieur au développement des groupes armés terroristes et de leurs ancrages territoriaux.[2]

À leur retour du djihad afghan dans leur pays d'origine, les moudjahidine d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, également appelés «Arabes-Afghans», ont des antécédents très différentes. Certains déposent leurs armes tandis que d'autres, usant de leur statut d'ancien combattant et répondant à l'appel au djihad mondial lancé par les nouveaux dirigeants d'Al-Qaïda (l'Egyptien Ayman al-Zawahiri et le Saoudien Oussama ben Laden) ont été au cœur de la création de mouvements terroristes et de la propagation du djihadisme à travers le monde. L'influence actuelle de ses vétérants dans la conduite idéologique, stratégique et opérationnelle des groupes armés terroristes dans le monde est décisive, comme l'illustre le rôle prépondérant joué par Ayman al-Zawahiri ou Mokhtar Bel-Mokhtar dans l'expansion d'Al-Qaïda.[3]

But de l'étude

Dans le cadre de cette étude, nous déconstruirons les cas d'attaques terroristes en Europe dans lesquels des innovations techniques et opérationnelles directement transposées ou inspirées par d'autres épicentres djihadistes tels que l'Irak, le Yémen ou le Sahel seront observées. Ces nouvelles méthodes de fonctionnement sont annoncées et peuvent être identifiées dans la communication des groupes terroristes. Dans un deuxième temps [4], les choix stratégiques dictés par ou dissimulés derrière le mode opératoire choisi par les différents réseaux terroristes et leurs cellules en Europe seront analysés, de même que les marqueurs associés à chaque groupe. Enfin, en liaison étroite avec les études sur le cyber-djihad, une attention particulière sera accordée aux processus d'apprentissage, de recherche et développement et de transmission des connaissances dans les modes opératoires des groupes terroristes.

Questions de recherche associées

  • Quels mécanismes d'apprentissage et de transmission opérationnels et stratégiques notoires peuvent être observés entre les organisations terroristes des années 1980 et Al-Qaïda ou l'État Islamique en Irak aujourd'hui?
  • Est-il possible de développer une approche systémique d'analyse opérationnelle et technique lors de la reconstitution d'attaques afin d'établir l’existence de flux / processus opérationnels concernant les connaissances stratégiques, financières et humaines entre groupes armés terroristes et au fil du temps?
  • L'influence de figures clés, telles que celles des vétérans arabes-afghans, est-elle perceptible dans l'évolution stratégique et opérationnelle des groupes et cellules djihadistes en Europe?

 

[1] Bauer Alain, The Al Qaeda Enigma, JC Lattès, Paris, 2005.

[3] Dorsey, James (2017), “Creating Frankenstein: Saudi Arabia’s UltraConservative Footprint in Africa”, International Policy Digest, 22 janvier 2017

[4] Bauer Alain and Huyghe J.B., Les Terroristes toujours disent ce qu'ils vont faire, PUF, Paris, 2010.